Droit Immobilier - Jurisprudence.


Un professionnel de l’immobilier (agent immobilier ou chasseur immobilier) dument mandaté par son client (vendeur ou acheteur) ne doit pas agir trop rapidement pour le compte de son mandant.

En effet, ce dernier - propriétaire l’ayant sollicité pour trouver un acquéreur, ou futur acheteur d’un appartement ou d’une maison l’ayant choisi pour lui trouver ce bien immobilier - bénéficie d’un délai de rétractation devant figurer dans son mandat.

Tant que ce délai (qui s’analyse en fait en un délai de réflexion, le protégeant au nom du droit de la consommation) n’est pas expiré, l’agent immobilier se lançant dans la recherche d’un client ou le chasseur d’appart se lançant dans la recherche d’un logement prennent le risque de travailler, d’agir en pure perte.

C’est ce que rappelle, logiquement, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 1er juillet 2015 (Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 13 mars 2014) ci-après reproduit :

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article L. 121-26 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;

Attendu que, selon ce texte, avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours prévu à l'article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit ; que la méconnaissance de ces dispositions d'ordre public est sanctionnée par la nullité du mandat ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 28 mai 2010, la SCI Beth 1 a donné à la Société de transactions immobilières (Sotram), un mandat, contractuellement soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, en vue de la vente d'un appartement au prix de 2 350 000 euros, incluant une rémunération de 80 000 euros, et une clause pénale dans l'hypothèse où le mandant refuserait de signer une promesse de vente au prix convenu avec tout acquéreur présenté par le mandataire ; que, le 1er juin 2010, la société Sotram a reçu une offre d'achat formulée par les époux X... à concurrence du prix prévu ; que la SCI Beth 1 ayant retiré le bien de la vente en raison du montant de la taxe sur la plus-value qu'elle aurait été tenue d'acquitter, la société Sotram l'a assignée en paiement de la clause pénale ;

Attendu que, pour condamner la SCI Beth 1 à verser à la société Sotram la somme de 80 000 euros au titre de la clause pénale et rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la première, l'arrêt énonce qu'en recevant l'offre d'achat faite par les époux X..., le 1er juin 2010, pendant le délai de réflexion, l'agent immobilier n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article L. 121-26 du code de la consommation qui se borne à interdire au mandataire d'obtenir de son client une contrepartie ou un engagement et d'effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société Sotram avait commencé à exécuter le mandat avant l'expiration du délai légal de réflexion en recherchant des acquéreurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes de la société Sotram ;

Rejette la prétention reconventionnelle de la SCI Beth 1 à des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Sotram aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sotram à payer à la SCI Beth 1 la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.


Cour de Cassation

Chambre civile 1

Audience publique du mercredi 1er juillet 2015

Non publié au bulletin Cassation, sans renvoi

Mme Batut, Président

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocats.

 

L’intégralité de cet arrêt, dont l’ensemble des moyens produits par les avocats aux Conseils, est consultable en ligne sur le site Légifrance : N° de pourvoi: 14-15753