Veille juridique - Jurisprudence : Droit aux honoraires et acte authentique.

Les honoraires d’un professionnel de la transaction immobilière (agent immobilier traditionnel travaillant via un mandat de vente ou chasseur immobilier menant sa mission via un mandat de recherche) ne sont pas forcément dus qu’au seul moment (classique) de la signature de l’acte de vente authentique chez le notaire.

C’est ce que rappelle de façon très claire la 1ére Chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 10 octobre 2018 (Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes du 3 mai 2016) :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour de Cassation, première chambre civile, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Ti Ar Vro du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z... ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 6-I, alinéa 3, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

Attendu que l'acte écrit contenant l'engagement des parties, auquel l'article précité subordonne la rémunération de l'agent immobilier par l'intermédiaire duquel l'opération a été conclue, n'est pas nécessairement un acte authentique ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant promesse synallagmatique de vente du 22 mars 2012 rédigée par la société Ti Ar Vro, agent immobilier (l'agent immobilier), M. Z... a vendu une maison d'habitation à M. et Mme X..., la vente devant être réitérée par acte authentique le 20 mai 2012 ; que, le 12 juin suivant, M. et Mme X... ont informé M. Z... qu'ils renonçaient à leur achat, demandant à être remboursés de la somme de 21 000 euros versée à titre d'acompte ; que M. Z... les a assignés aux fins de voir prononcer la résolution de la promesse synallagmatique de vente, de les voir condamner à lui payer la somme de 21 000 euros, et juger qu'ils sont seuls redevables de la rémunération de l'agent immobilier, qui en a reconventionnellement sollicité le paiement et, subsidiairement, une indemnité compensatrice ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l'agent immobilier, l'arrêt énonce qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 6-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 qu'aucune commission ni somme d'argent quelconque ne peut être exigée par l'agent immobilier ayant concouru à une opération n'ayant pas été effectivement conclue et qu'en conséquence, l'agent immobilier ne peut, sous le couvert de l'application d'une clause pénale, prétendre à une quelconque rémunération ou indemnité compensatrice ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la signature de la promesse synallagmatique de vente constituait un accord définitif sur la chose et sur le prix, et que M. et Mme X... ne pouvaient, sans commettre une faute, refuser de la réitérer, faisant ainsi ressortir que l'opération avait été effectivement conclue, de sorte que ce refus ne pouvait avoir pour effet de priver l'intermédiaire de son droit à rémunération ou à indemnisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la société Ti Ar Vro au titre de sa rémunération ou de son indemnisation, l'arrêt rendu le 3 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.

Cour de cassation

Chambre civile 1

Audience publique du 10 octobre 2018 

Présidente : Madame Batut

Avocats : Maître Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini

Arrêt non publié au Bulletin, mais consultable en ligne sur le site Légifrance sous le numéro de pourvoi 16-21044.