Jurisprudence en matière d’obligations contractuelles imposées aux professionnels de la transaction immobilière : agent immobilier pour un mandat de vente ou chasseur immobilier pour un mandat de recherche. 

Un mandat signé entre un professionnel de l’immobilier (agent immobilier pour la vente d’un bien ou chasseur immobilier pour une recherche immobilière) et un particulier, ou encore un promoteur, un marchand de biens, une profession libérale, un commerçant, etc. - en l’espèce un mandat de vente, mais cela aurait valu également pour un mandat de recherche – doit mentionner le nom et la qualité de la personne intervenant pour le titulaire la Carte professionnelle ; cette personne (agent commercial, agent mandataire, etc.) étant habilité à cet effet par le détenteur de cette Carte T.

Si tel n’est pas le cas, le mandat signé entre les parties est jugé nul ; le mandant doit logiquement bénéficier d’une information précise concernant le mandataire qui intervient pour son compte.

C’est ce que rappelle et précise, en application de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 (dite Loi Hoguet) et de son décret d’application n°72-678 du 20 juillet 1972, la première Chambre Civile de la Cour de Cassation dans un arrêt récent du 12 novembre 2020

Voici l’arrêt (dans une version « allégée ») rendu par la juridiction suprême :

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

I - M. S... T..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° N 19-14.025 contre un arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Confort transactions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...],

2°/ à la société Le Clos de l'Aubépin, société civile immobilière, dont le siège est [...], défenderesses à la cassation.

II - La société Confort transactions, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° H 19-14.112 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Le Clos de l'Aubépin, société civile immobilière,

2°/ à M. S... T..., défendeurs à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° N 19-14.025 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° H 19-14.112 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

La première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 19-14.025 et H 19-14.112 sont joints.
Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 décembre 2018), par acte du 20 mars 2013, la SCI Le Clos de l'Aubépin (la SCI), promoteur immobilier, a confié à la société Confort transactions, par l'intermédiaire de M. T..., agent commercial habilité par cette dernière, un mandat non exclusif pour la commercialisation sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement de vingt-quatre lots du programme immobilier « Le Clos du moulin ».

3. Le 21 octobre 2014, la société Confort transactions a mis en demeure la SCI de lui verser la somme de 206 480 euros au titre de sa commission, puis l'a assignée en paiement. M. T... est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° H 19-14.112, pris en sa seconde branche (non reproduit ici mais consultable sur le site Légifrance : voir infra).

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° N 19-14.025 et le moyen du pourvoi n° H 19-14.112, pris en sa première branche, réunis

Énoncé des moyens

5. Par son moyen, M. T... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du mandat de vente et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier peut habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, la personne ainsi habilitée devant justifier de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production de l'attestation visée par l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ; que si, en vertu de cette disposition, les nom et qualité du titulaire de l'attestation doivent être mentionnés sur le mandat de vente qu'il conclut avec un tiers au nom et pour le compte du titulaire de la carte professionnelle, cette mention n'est pas prescrite à peine de nullité dudit mandat ; que, pour prononcer l'annulation du mandat du 20 mars 2013, conclu entre la société Confort transactions, titulaire de la carte professionnelle, et la SCI, par l'intermédiaire de M. T..., titulaire de l'attestation, la cour d'appel a retenu que le nom et la qualité de ce dernier n'étaient pas mentionnés sur le mandat au mépris des exigences de l'article 9 du décret du 20 juillet 1972, disposition d'ordre public ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que l'annulation du contrat de mandat d'un agent immobilier à raison de l'omission, sur l'acte, de la mention du nom et de la qualité de la personne habilitée qui l'a négocié, constitue une sanction disproportionnée ; qu'en prononçant une telle annulation, nonobstant la circonstance, acquise aux débats, que grâce à ce mandat, les vingt-quatre lots composant le programme immobilier avaient été vendus à un bailleur social, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 dans leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

6. Par son moyen pris en sa première branche, la société Confort transactions fait le même grief à l'arrêt, alors « que le titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier peut habiliter une personne physique, tel qu'un agent commercial, à conclure un mandat en son nom et pour son compte ; que cette personne justifie alors de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production d'une attestation délivrée par l'agent immobilier ; que, si le mandat conclu par cette personne physique doit mentionner le nom et la qualité de cette dernière, cette mention n'est pas requise à peine de nullité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le mandat conclu le 20 mars 2013 entre la société Confort transactions et la SCI avait été signé par M. T..., agent commercial lié à la société Confort transactions, sans que le mandat ne mentionne le nom et la qualité du signataire, et qu'il en résultait la violation d'une disposition d'ordre public, justifiant la nullité du mandat ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que ces indications ne sont pas prescrites à peine de nullité du mandat de vente, la cour d'appel a violé les articles 4 et 6 de loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 9 du décret du 20 juillet 1972. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, selon l'article 4, alinéa 1er, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier justifie de sa qualité et de l'étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. L'article 9, dernier alinéa, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 dispose que les nom et qualité du titulaire de l'attestation doivent être mentionnés dans les conventions visées à l'article 6 de la loi précitée lorsqu'il intervient dans leur conclusion, ainsi que sur les reçus de versements ou remises lorsqu'il en délivre.

8. Il résulte de ces dispositions d'ordre public, qu'à défaut de mention, dans le mandat, du nom et de la qualité de la personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier, cette convention est nulle.

9. Dès lors, la cour d'appel a fait l'exacte application de ces textes en annulant le mandat de vente du 20 mars 2013, après avoir constaté que la carte professionnelle d'agent immobilier était détenue par la société Confort transactions et que, si M. T... était le signataire de ce mandat, celui-ci ne faisait pas mention de son nom et de sa qualité.

10. En second lieu, si l'annulation du mandat de vente prive l'agent immobilier et l'intermédiaire de la rémunération prévue au mandat, qui constitue une créance entrant dans le champ d'application de l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure est proportionnée à l'objectif poursuivi par les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972 d'organiser l'accès à la profession d'agent immobilier, d'assurer la compétence et la moralité des agents immobiliers et de protéger le mandant qui doit pouvoir s'assurer que la personne à qui il confie le mandat est habilitée par l'agent immobilier, est titulaire de l'attestation légale et dispose des pouvoirs nécessaires.

11. Les moyens ne sont donc pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. T... et la société Confort transactions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.


Mme Batut, présidente

Mme Le Gall, conseiller référendaire

SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. T...,

SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Confort transactions,

SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Le Clos de l'Aubépin,

M. Chaumont, avocat général,

Mme Randouin, greffier de chambre.


L’ensemble des moyens et l’arrêt, ainsi, dans son intégralité sont consultables sur le site Légifrance sous les numéros de pourvois joints : N 19-14.025 et H 19-14.112.