Veille jurisprudentielle : de la question des honoraires, de la rémunération d’un agent immobilier - la Loi Hoguet est d’ordre public

Conformément à l’article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 (loi Hoguet) et aux articles 72 et 73 de son décret d’application n°72-678 du 20 juillet 1972, une agence immobilière ne peut prétendre à des honoraires lors d'une opération transactionnelle visée à l'article 1er de la loi précitée d'une personne autre que celle figurant dans le mandat et dans l'engagement des parties comme en ayant la charge.

Et si, ultérieurement, les parties ont la possibilité de rémunérer les services de l’agence immobilière via une convention, celle-ci n'est valable que si elle est postérieure à la vente régulièrement conclue chez le notaire.

Dès lors, à défaut d'identité du redevable de la commission désigné dans le mandat de vente (exclusif ou non exclusif) et dans l'acte notarié constatant l'engagement des parties, les acquéreurs ne peuvent valablement s'engager à rémunérer les services de l'agent immobilier que par un engagement postérieur à la réitération de l’acte authentique de vente

La 1ére Chambre civile de la Cour de Cassation rappelle ces principes - principes d’ordre public - dans un arrêt du 24 avril 2013 (Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 20 septembre 2011) :


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, et 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes d'ordre public que l'agent immobilier ne peut réclamer une commission ou une rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'article 1er de la loi d'une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties ; que si, par une convention ultérieure, les parties peuvent s'engager à rémunérer les services de l'agent immobilier, cette convention n'est valable que si elle est postérieure à la vente régulièrement conclue ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vertu d'un mandat non exclusif de vente donné par la société Poucel, prévoyant que la rémunération du mandataire, forfaitairement fixée à la somme de 25 000 euros, serait à la charge du vendeur, la société Tri-Logis, exerçant l'activité d'agent immobilier sous l'enseigne Espace Immo (l'agence), a négocié la vente d'un terrain à bâtir au profit de M. X... et Mme Y... ; qu'aux termes de la promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives conclue le 21 décembre 2004, ces derniers se sont portés indivisément acquéreurs du terrain, au prix de 180 000 euros, la commission forfaitaire étant mise "à la charge de l'acquéreur", puis, par acte unilatéral du même jour, se sont reconnus débiteurs envers l'agence d'une somme de 25 000 euros ; qu'après que le terrain eut été vendu, par acte authentique du 28 avril 2006, à une société civile immobilière ayant pour gérant M. X..., M. Z..., mandataire liquidateur de la société Tri-Logis, estimant que l'opération avait été effectivement conclue, a assigné ce dernier et Mme Y... en paiement de la commission convenue dans l'acte du 21 décembre 2004, augmentée des intérêts au taux légal ;

Attendu que, pour décider que M. X... et Mme Y... étaient débiteurs de la rémunération de l'agence et les condamner solidairement à payer à son mandataire liquidateur la somme forfaitaire de 25 000 euros, l'arrêt retient que ces derniers ont stipulé pour autrui en faveur de la société Tri-Logis en s'engageant à régler sa rémunération dans le "compromis" du 21 décembre 2004, stipulation à l'exécution de laquelle ni les dispositions de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, ni celles de l'article 73 de son décret d'application ne font obstacle ; qu'il ajoute qu'étant des tiers par rapport au mandat de vente consenti à l'agence, les stipulants ne peuvent se prévaloir du non-respect de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 pour échapper à leurs obligations, et que si l'article 73 du décret d'application de la loi prescrit que l'agent immobilier ne peut recevoir de commissions ou de rémunérations d'une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties, le "compromis", qui renferme cet engagement, met précisément le paiement de la commission à la charge de Mme Y... et M. X..., désigné sous le vocable "l'acquéreur" ;

Qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le mandat de vente mettait la commission de l'agence à la charge du vendeur ce dont il résultait qu'à défaut d'identité du redevable désigné dans le mandat d'entremise et dans l'acte constatant l'engagement des parties, les acquéreurs ne pouvaient valablement s'engager à rémunérer les services de l'agent immobilier que par un engagement postérieur à la réitération authentique de la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. Z..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Tri Logis, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z..., ès qualités ; le condamne à payer à M. X... et à Mme Y... la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.

 

Cour de cassation

Chambre civile 1

Audience publique du mercredi 24 avril 2013

M. Charruault, président

Mme Verdun, conseiller rapporteur

Mme Falletti, avocat général

Me Spinosi, SCP Potier de la Varde et Buk-Lament, avocat(s)

Publié au bulletin

 

L'arrêt peut être consulté dans son intégralité (avec les moyens produits) sur le site Légifrance : n° de pourvoi :11-26876.