Droit immobilier - Jurisprudence : des droits de l’acquéreur ayant signé un mandat de recherche.

Dans cet arrêt récent du 8 décembre 2021, la Cour de Cassation souligne que le bien immobilier acheté (en l’occurrence une maison dotée de trois chambres avec un terrain) doit correspondre à ce qui est décrit dans l’acte de vente quand bien même les acquéreurs ont signé un mandat de recherche qui ne prévoyait pas telle ou telle prestation et acquièrent au final un bien remplissant leur cahier des charges sauf la prestation en question qui figure à tort dans l’acte notarié signé.

En l’espèce, il s’agit de combles annoncés comme aménageables alors qu’ils ne le sont pas.

Peu importe que les acheteurs n’aient pas prévus dans leur cahier des charges figurant au mandat de recherche signé avec une agence immobilière (le plus souvent ce type de contrat étant signé du reste avec des chasseurs immobiliers spécialisés, alors que les agences immobilières contractualisent leur relation avec un mandat de vente signé avec les propriétaires) la présence de combles aménageables pour leur futur bien.

Dans la mesure où des combles sont vendus, s’ils sont qualifiés d’aménageables… ils doivent l’être, pouvoir l’être.

Si tel n’est pas le cas, la présence de combles pouvaient bien sûr être indiquée… mais pas comme susceptibles d’être transformés pour être in fine aménagés.

Peu importe ce que voulaient au départ les acheteurs. Ils ont peut-être trouvé via le professionnel immobilier mandaté à cet effet un logement correspondant à leurs critères… mais si en comparant cette habitation avec l’acte authentique signé un (nouveau) critère mentionné dans ce dernier n’existe pas en réalité… les vendeurs ontcommis une faute.

La conséquence étant pour les acquéreurs le droit à une indemnité, à un dédommagement.

Voici ci-dessous l’arrêt de la troisième chambre civile de la haute juridiction française :

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


1°/ M. [D] [K],
2°/ Mme [V] [S], épouse [K], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° C 20-16.159 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [W] [G], 2°/ à Mme [F] [C], épouse [G], domiciliés tous deux [Adresse 3], 3°/ à la société Immo de Chambly, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. et Mme [K], de Me Balat, avocat de M. et Mme [G], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Immo de Chambly, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 mars 2020), le 1er octobre 2008, M. et Mme [K] ont donné à l'agence immobilière Immo de Chambly (l'agence immobilière) mandat de rechercher un bien avec trois chambres, séjour et terrain de 300 m² environ.

2. Le 13 décembre 2008, ils ont acquis de M. et Mme [G] (les vendeurs) une maison comprenant les éléments ci-dessus et des combles aménageables.

3. Ayant appris qu'il s'agissait de combles perdus nécessitant des travaux importants, M. et Mme [K] ont assigné les vendeurs et l'agence immobilière pour obtenir des dommages-intérêts au titre de leurs préjudices matériel et moral.

4. Les vendeurs ont demandé la garantie de l'agence immobilière.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen

Énoncé du moyen

6. M. et Mme [K] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts contre les vendeurs, alors « que, même si une partie n'est pas régulièrement représentée par un avocat, la cour d'appel n'en est pas moins tenue de statuer conformément au droit ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les époux [K] avaient acquis, par acte authentique en date du 13 décembre 2008, « une maison individuelle située à Chambly (Oise) au [Adresse 1], d'une valeur de 228 000 euros, comprenant, selon le descriptif figurant dans l'acte : une entrée, une cuisine équipée, un séjour, trois chambres, une salle de bains, des WC, un sous-sol total, une terrasse et des combles aménageables » ; que la cour d'appel ne pouvait débouter les époux [K] de leur action contre les vendeurs, sous prétexte que les combles aménageables « n'étaient pas prévus dans le mandat donné à l'agence immobilière ; que la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. Les vendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que, M. et Mme [K] n'ayant pas constitué avocat en appel, la critique de fond qu'ils formulent en cassation est nouvelle. 

8. Cependant, le moyen, qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même, est né de la décision. 

9. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

10. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

11. Pour exclure la responsabilité contractuelle des vendeurs, l'arrêt retient que, la présence de combles aménageables ne faisant pas partie des critères définis dans le mandat de recherche donné par les acquéreurs à l'agence immobilière, elle n'était pas entrée dans le champ contractuel, de sorte que les vendeurs n'avaient pas pu commettre de faute.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'acte de vente du 13 décembre 2008 portait sur une maison comprenant des combles aménageables, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

13. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'agence immobilière, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour faute contractuelle formée par M. et Mme [K] contre M. et Mme [G], l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;

Met hors de cause l'agence immobilière Immo de Chambly ;

Condamne M. et Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. et Mme [G] et de l'agence immobilière Immo de Chambly ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.


Cour de cassation - Chambre civile 3
Non publié au bulletin
Cassation partielle
Audience publique du mercredi 8 décembre 2021
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 12 mars 2020
Présidente : Mme Teiller
Avocats : Me Balat, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP de Nervo et Poupet


Pour l’ensemble des moyens produits, se reporter au site Légifrance et au numéro de pourvoi : 20-16.159.