Droit - Jurisprudence immobilière : un accord sur la chose et le prix vaut acceptation définitive par le vendeur de l’offre qui lui est faite.

Le vendeur d’un bien immobilier ayant accepté une offre d’achat au prix de vente, non conditionnée à l’obtention d’un prêt bancaire, est obligé de respecter sa parole (cela est vrai dans le cadre de vente directe entre particulier ou via l’intermédiaire d’un professionnel de la transaction immobilière ayant signé un mandat de vente avec le vendeur ou un mandat de recherche avec l’acheteur ; le plus souvent, un agent immobilier dans le premier cas et un chasseur immobilier dans la seconde hypothèse).

Son acceptation n’est pas un simple début de pourparlers, d’un engagement simplement potentiel.

Cette acceptation a une valeur juridique qui l’engage définitivement.

De fait, il ne peut se « rétracter », se désengager, refuser de signer une promesse de vente… en espérant pouvoir ensuite aller - sans scrupule - à plus offrant.

C’est ce que vient, tout dernièrement (le 22 mars 2022), de rappeler clairement la troisième chambre civile de la Cour de Cassation.

Voici l’arrêt de la haute juridiction française :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


1°/ Mme [J] [V],

2°/ M. [Y] [S],

tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-10.586 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour  d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant :


1°/ à M. [P] [B],

2°/ à Mme [M] [D],

épouse [B], tous deux domiciliés [Adresse 3], défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] et de M. [S], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [B], après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen et Mme Berdeaux, greffier de chambre, ,la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), le 16 mai 2016, M. [S] et Mme [V] ont proposé à M. et Mme [B] d'acquérir leur bien immobilier sans avoir recours à un prêt, pour le prix de 735 000 euros.

2. Après avoir accepté cette offre, M. et Mme [B] ont informé M. [S] et Mme [V], le 20 mai 2016, qu'ils se rétractaient au profit d'un acquéreur plus offrant.

3. Estimant la vente parfaite, M. [S] et Mme [V] ont assigné M. et Mme [B] en réparation de leur préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Énoncé du moyen

4. M. [S] et Mme [V] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages et intérêts contre M. et Mme [B], alors « que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'en jugeant pourtant que « la simple acceptation d'une offre par M. et Mme [B] suffit à établir que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers », la cour d'appel a violé l'article 1583 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1583 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

6. Pour rejeter la demande de M. [S] et Mme [V] tendant à voir déclarer la vente parfaite, l'arrêt retient que la mention d'une simple acceptation d'une offre par M. et Mme [B] suffit à établir que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la proposition d'achat du 16 mai 2016, qui indiquait la chose à vendre et le prix proposé sans concours bancaire avait été contresignée par M. et Mme [B] qui y avaient ajouté la mention manuscrite « lu et approuvé, bon pour acceptation de l'offre », de sorte qu'il y avait accord des parties sur la chose et sur le prix rendant la vente parfaite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. [S] et Mme [V], l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. et Mme [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [B] et les condamne à payer à M. [S] et à Mme [V] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

Cour de cassation - Chambre civile 3

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

 

Pour le moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [V] et M. [S], se reporter au site Légifrance et au numéro de pourvoi : R 21-10.586.