Veille
jurisprudentielle : Le propriétaire d’un bien immobilier ne peut pas automatiquement
s’exonérer de plus-value en prétextant vendre sa résidence principale… en cas
de contrôle fiscal, encore faut-il prouver cet état de fait.
C’est ce que vient de rappeler
la Cour administrative d’appel de Bordeaux à un vendeur qui arguait se séparer de sa demeure principale alors
que le fisc estimait le contraire.
Le
juge administratif a en effet donné raison, en l’espèce, à l’administration fiscale
dans la mesure où le propriétaire n’a produit aucune preuve susceptible de
démontrer qu’il habitait la maison vendue.
Ce
faisant, cette personne ne pouvait prétendre s’exonérer de l’impôt lié à plus-value
qui avait été réalisée (bien immobilier acheté
55 000 Euros en 2005 et revendu 400 000 Euros en 2011).
Décision
logique prise en première instance par le tribunal administratif de Bordeaux
via un jugement n°1602185 du 28 février 2018 ; jugement récemment confirmé en appel, en l’occurrence le 2 juillet 2020 :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse
antérieure :
M. C... B... a demandé au
tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires
d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été
assujetti au titre de l'année 2011 en raison de l'imposition d'une plus-value
immobilière.
Par un jugement n° 1602185
du 28 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses
demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête
enregistrée le 2 mai 2018, M. B..., représentée par Me A..., demande à la cour
:
1°) d'annuler ce jugement
du tribunal administratif de Bordeaux du 28 février 2018 ;
2°) de prononcer, à titre
principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et
de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année
2011 en raison de l'imposition d'une plus-value immobilière ou, à titre
subsidiaire, la décharge partielle des rectifications opérées ;
3°) de mettre à la charge
de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, il
justifie de ce que la plus-value a été réalisée à l'occasion de la cession de
sa résidence principale ; les critères d'appréciation habituels de la résidence
principale ont été assouplis par la doctrine administrative (Instruction
publiée le 14 janvier 2004, 8M-1-04) ; le caractère anxiogène des auditions
policières empêche l'administration de se fonder sur les propos qu'il a tenus à
ces occasions ; il invoque le bénéfice de la doctrine administrative contenu au
BOI-RFPI-PVI-10-40-10 n° 190 et dans l'instruction du 31 mars 2009, S M-1-09 ;
- il aurait dû bénéficier
de l'exonération de la plus-value lors du remploi du prix de cession d'un
logement à l'acquisition ou la construction d'un logement affecté à
l'habitation principale, prévue par l'article 5 de la loi de finances pour
2012, n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 ;
- à titre subsidiaire,
l'administration aurait dû prendre en compte la totalité des dépenses de
rénovation effectuées sur le bien ; le fait que certaines dépenses ont été
prises en charge par ses parents est indifférent ; il a supporté toutes ces
dépenses sur ses propres deniers ; toutes les factures respectent les
prescriptions de l'article 289 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense
enregistré le 14 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics
conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas
fondés.
Vu :
- les autres pièces du
dossier.
Vu :
- le code général des
impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice
administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours
de l'audience publique :
- le rapport de M. F...
E...,
- et les conclusions de
Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a acquis le 7
juin 2005, une maison située à Braud et Saint-Louis (Gironde) pour la somme de
55 000 euros et l'a revendue le 29 décembre 2011 pour un montant de 400 000
euros. Lors de l'imposition de ses revenus au titre de l'année 2011, la
plus-value ainsi réalisée a été exonérée d'impôt sur le revenu en application
des dispositions de l'article 150 U du code général des impôts. A l'issue de
l'examen de la situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet en 2014,
l'administration a remis en cause le bénéfice de cette exonération en estimant
que le bien immobilier ne constituait pas la résidence principale du
contribuable. M. B... relève appel du jugement en date du 28 février 2018 par
lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de faire droit à ses
demandes de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mise
à sa charge au titre de l'année 2011 en raison de l'imposition de cette
plus-value immobilière.
Sur le bien-fondé des
impositions :
En ce qui concerne le
bénéfice de l'exonération des plus-values :
2. En premier lieu, aux
termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. (...) les
plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou
groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre
onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces
biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux
articles 150 V à 150 VH. (...). / II.- Les dispositions du I ne s'appliquent
pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens :
/ 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ;
(...) ".
3. Pour l'application de
ces dispositions, la résidence principale doit s'entendre du lieu où le
contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l'année. Il
doit s'agir de sa résidence effective. Sous réserve des cas où la loi attribue
la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu
de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des
parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui
ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du
contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas
échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
4. Il résulte de
l'instruction que le bien en question était initialement vétuste et ne
comportait pas l'accès à l'eau et à l'électricité, qu'il a été déclaré comme un
bâtiment en ruine au titre de la taxe d'habitation entre 2008 et 2010 et que
les relevés de consommation d'eau et d'électricité produits ne correspondent
pas à ceux d'une maison habitée. Il résulte enfin des procès-verbaux d'audition
du requérant et de son père, obtenus en application des dispositions des
articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, que le requérant a
admis n'avoir jamais occupé cette maison dans la mesure où elle était
inhabitable lors de son acquisition, qu'il a procédé à sa remise en état avec
l'aide de l'entreprise de son père et qu'elle a été revendue avant que les
aménagements intérieurs définitifs ne soient terminés.
5. M. B..., qui se borne à
invoquer le caractère anxiogène de son audition par les services de police,
n'apporte aucun élément probant permettant d'établir qu'il aurait effectivement
résidé dans la maison en litige à quelque moment que ce soit. La circonstance
que la cession doit être regardée comme étant intervenue dans des délais
normaux compte tenu de l'état du marché est indifférente.
6. En deuxième lieu, M.
B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du
livre des procédures fiscales, des énonciations contenues dans l'instruction
8-M-1-04 publiée au bulletin officiel des impôts du 14 janvier 2004, qu'il
invoque dans sa globalité, de celles du paragraphe 190 de la documentation
administrative référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10 du 12 septembre 2012, au
demeurant postérieure à la vente de l'immeuble en litige, ou de celles du
paragraphe n° 5 de l'instruction 8-M-1-09 publiée au bulletin officiel des
impôts du 31 mars 2009 dans les prévisions desquelles il n'entre pas dès lors
qu'il n'a jamais occupé le bien cédé.
7. En troisième lieu, M.
B... n'est pas fondé à demander le bénéfice de l'exonération de la plus-value
lors du remploi du prix de cession d'un logement à l'acquisition ou la
construction d'un logement affecté à l'habitation principale, prévue par
l'article 5 de la loi de finances pour 2012, n° 2011-1977 du 28 décembre 2011
et codifié sous le 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts
dès lors qu'il a cédé son bien en décembre 2011 et que, selon le point II de
l'article 5 de la loi du 28 décembre 2011, ces dispositions s'appliquent "
aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er
février 2012 ".
En ce qui concerne le
montant de la plus-value :
8. Aux termes de l'article
150 V du code général des impôts : " La plus ou moins-value brute réalisée
lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC
est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par
le cédant. ". Aux termes de l'article 150 VB du même code : " II.- Le
prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : (...) 4° Des dépenses de
construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées
par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de
l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas
été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et
qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. Lorsque le
contribuable, qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition,
n'est pas en état d'apporter la justification de ces dépenses, une majoration
égale à 15 % du prix d'acquisition est pratiquée. (...) ".
En application de ces
dispositions, le cédant d'un immeuble peut majorer, pour la détermination du
montant de sa plus-value immobilière, le prix d'acquisition de ce dernier du
montant des dépenses qu'il a exposées, personnellement, pour y faire réaliser
par une entreprise, une ou plusieurs des prestations de travaux qu'elles
mentionnent.
9. Il résulte de
l'instruction que l'administration n'a retenu, en plus du prix d'acquisition du
bien cédé, qu'un montant de 35 309 euros de dépenses et a écarté le surplus au
motif que les factures produites ne comportaient pas les mentions requises par
l'article 289 du code général des impôts et qu'il n'était pas justifié qu'elles
aient fait l'objet d'un paiement effectif de la part du cédant sur ses deniers propres.
10. M. B..., qui demande,
à titre subsidiaire, la prise en compte de dépenses de travaux de rénovation
pour un montant total de 156 502,68 euros n'est pas fondé à demander que soient
prises en compte les dépenses d'un montant de 26 369,85 euros dont il admet
qu'elles ont été prises en charge par ses parents, soit directement, soit par
l'intermédiaire de la société Gironde Plâtrerie Isolation. Enfin, le requérant
n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait personnellement
supporté les dépenses d'un montant de 130 132,83 euros dont il demande la prise
en compte au-delà de la somme de 35 309 euros déjà prise en compte par
l'administration. M. B... n'est donc pas fondé à reprocher à l'administration
d'avoir limité à 35 309 euros le montant des travaux pris en compte pour
calculer la plus-value en litige.
11. Il résulte de ce qui
précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le
jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative :
12. L'Etat n'étant pas,
dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de M. B...
tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête
de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent
arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'action et des comptes
publics.
Copie en sera adressée à
la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience
du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... G..., présidente
de la cour,
M. Dominique Ferrari,
président-assesseur,
M. F... E..., premier
conseiller,
Lu en audience publique,
le 2 juillet 2020.
La présidente,
Brigitte G...
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics
en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui
concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à
l'exécution du présent arrêt.
4ième Chambre de la CAA
de BORDEAUX
M. POUZOULET, président
M. GUEGUEIN, rapporteur
Mme LADOIRE, rapporteur
public
Cabinet d’avocats QUESNEL
& ASSOCIES, avocat
L’intégralité de cet arrêt est consultable sur le site
Légifrance sous le numéro : 18BX01825.