Veille jurisprudentielle : un mandataire
immobilier ne peut agir pour son mandant qu’en vertu d’un mandat toujours en
vigueur, non expiré.
Le mandat de vente d’une agence immobilière (et cette règle vaut bien sûr pour le mandat
de recherche d’une Société de chasseur immobilier ou chasseur d’appartement)
doit toujours être d’actualité, donc non encore expiré (un mandat, en effet, a/doit
avoir pour être valide juridiquement, une durée de vie limité dans le temps,
laquelle est précisé obligatoirement dans le mandat du professionnel de l’immobilier)
lorsque le mandataire commercialise la maison ou l’appartement du propriétaire
qui lui a donné pour mission de trouver un acquéreur.
Si tel n’est pas le cas, si tel n’est plus le cas - à savoir que le mandat est expiré -, l’agent immobilier qui était titulaire
du mandat ne peut plus se prévaloir de son ancien mandat et n’a donc plus le
droit de mettre en vente le bien, le négocier le cas échéant avec un acheteur
potentiel.
Cette règle - aussi logique qu’évidente - a été
rappelée en début d’année par la Cour d’Appel de Paris, en l’occurrence le 22
janvier 2021, à l'encontre d'une célèbre agence immobilière parisienne spécialiste en immobilier de prestige.
L’arrêt, sur jugement du 24 janvier 2019 du tribunal de grande
instance de Paris (RG 17/15528) est partiellement
reproduit ci-après :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
…..
Suivant acte sous seing privé du 11 février 2016, Mme A... K... et son époux M.
E... G... (les époux K... G...) ont donné à la SAS [...] , exploitant une
agence immobilière sous l'enseigne Emile Garcin, le mandat non exclusif de
vendre un hôtel particulier sis [...] , au prix de 3 950 000 €, honoraires de
négociation inclus, soit un prix net vendeur de 3 752 500 €, la rémunération de
l'agent immobilier étant à la charge du vendeur. Ce mandat avait une durée de
trois mois, renouvelable par tacite reconduction et expirant
"irrévocablement" à l'issue des douze mois suivant sa signature.
Après avoir visité le bien le 29 mars 2017 par l'intermédiaire de l'agent
immobilier, Mme W... J... a formulé plusieurs offres successives qui ont été
refusées par les époux K... G.... Le 16 mai 2017 par courriel, Mme J... a
offert d'acquérir au prix de 3 900 000 € net vendeurs, outre 120 000 €
d'honoraires d'agence. Le même jour, les époux K... G... ont demandé par
courriel à l'agence de confirmer l'offre par écrit et d'attendre qu'elle
consulte son notaire. Le 24 mai 2017, le notaire des vendeurs réclamait à
l'agent immobilier la communication de l'offre acceptée par ses clients ainsi
que le mandat de vente. Interrogés par l'agent immobilier le 31 mai 2017, les
époux K... G... indiquaient qu'ils n'avaient accepté aucune offre n'en ayant
reçue aucune écrite malgré leur demande et demandaient à l'agent immobilier de
ne plus commercialiser leur bien, le mandat ayant expiré le 2 février 2017. Par
acte extra judiciaire du 15 septembre 2017, la SCI Idaem et Mme J... ont
assigné les époux K... G... et la société [...] en paiement de
dommages-intérêts. La SEARL Daem partners est intervenue volontairement à l'instance.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 24 janvier 2019, le Tribunal
de grande instance de Paris a :
- débouté les sociétés Idaem et Daem partners, ainsi que Mme J... de leurs
demandes de dommages-intérêts formées contre les époux K... G...,
- débouté les époux
K... G... de leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la société
Idaem et Mme J...,
- condamné la société
[...] à verser aux époux K... G... la somme globale de 5 000 € au titre de leur
préjudice moral,- condamné in solidum les sociétés Idaem et Daem partners,
ainsi que Mme J... aux dépens,
- condamné in solidum
les sociétés Idaem et Daem partners, ainsi que Mme J... à verser à la société
[...] la somme de 3 000 € et aux époux K... G... celle de 5 000 € au titre de
en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions, les sociétés Idaem et Daem partners, ainsi que Mme
J..., appelantes, demandent à la Cour de :
- vu les articles 1240, 1241, 1112, 1992 du Code civil,
- infirmer le jugement
entrepris en ce qu'il les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes et en ce
qu'il les a condamnées en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile et
aux dépens,
- débouter la société
[...] et les époux K... G... de leurs demandes reconventionnelles formées
contre elles,- condamner in solidum (ou subsidiairement, à titre personnel et
"proratisé") les intimées à verser à la société Daem partners la
somme de 96 001 €,- condamner in solidum (ou subsidiairement, à titre personnel
et "proratisé") les intimées à verser à la société Idaem la somme de
104 000 € de dommages-intérêts réparant son préjudice économique,- condamner in
solidum (ou subsidiairement, à titre personnel et "proratisé") les intimés
à verser à Mme J... la somme de 38 401 €,
- condamner in solidum
(ou subsidiairement, à titre personnel et "proratisé") les intimés au
paiement de la somme de 12 500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure
civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions, les époux K... G... prient la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Idaem
et Daem partners, ainsi que Mme J... de leurs demandes d'indemnisation sur le
fondement de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité civile
délictuelle, ainsi qu'en ce qu'il a condamné l'agence P... C... à réparer leur
préjudice moral,
- infirmer le jugement
entrepris concernant leurs demandes d'indemnisation formées à l'encontre de
l'agence P... G..., ainsi que de Mme J... et de la société Idaem,
- l'infirmer en ce
qu'il a fixé à 5 000 € la somme qu'il leur a allouée au titre des frais
irrépétibles, exonérant de cette condamnation l'agent immobilier,
- l'infirmer en ce
qu'il a accordé à l'agent immobilier la somme de 3 000 € en vertu de l'article
700 du Code de procédure civile,
- statuant à nouveau :
- condamner in solidum
l'agence P... C..., ainsi que de Mme J... et de la société Idaem à leur payer
la somme de 14 113,01 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur
préjudice financier à la suite de l'instance en référé,
- condamner l'agence
P... C... à leur payer la somme de 25 000 € de dommages-intérêts en réparation
de leur préjudice moral,
- condamner in solidum
Mme J... et de la société Idaem à leur payer la somme de 25 000 € de
dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- condamner in solidum
l'agence P... Garcin, ainsi que de Mme J..., la société Idaem et la société
Deam partners à leur payer la somme de 20 000 € au titre des frais irrépétibles
de première instance,
- en tout état de cause :
- débouter l'agence
P... C..., ainsi que de Mme J... et de la société Idaem de l'intégralité de
leurs demandes,
- condamner in solidum
l'agence P... C..., ainsi que de Mme J... et de la société Idaem à leur payer
la somme de 15 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, dépens en sus.
Par dernières conclusions, la société [...] prie la Cour de :
- vu les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970, 72 du décret du 20 juillet
1972, 1240 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme J..., ainsi que les
sociétés Idaem et Daem partners, de l'ensemble de leurs demandes formées contre
elle,
- infirmer le jugement
entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux G... la somme de 5 000 €
au titre de leur préjudice moral,
- statuant à nouveau :
- débouter les époux
G... de leurs demandes formées contre elle,
- condamner in solidum
Mme J..., les sociétés Idaem et Daem partners, ainsi que les époux G... à lui
payer la somme de 13 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure
civile, dépens en sus.
Les motifs de la Cour également reproduit ci-dessous s’avèrent
particulièrement éclairants :
Il résulte des articles 6 et 7 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 qu'à
peine de nullité, le mandat de l'agent immobilier doit être rédigé par écrit et
limité dans le temps.
Au cas d'espèce, le mandat suivant acte sous seing privé du 11 février 2016
confié par les époux K... G... à la société [...] , agent immobilier, avait une
durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction, son expiration étant
fixée à l'issue des douze mois suivant sa signature. Nonobstant l'expiration du
mandat au 10 février 2017, la société [...] a persisté à présenter le bien à la
vente sans solliciter de ses mandants la délivrance d'un nouveau contrat écrit
et c'est donc dans ces conditions que la négociation litigieuse s'est déroulée
du 5 avril 2017 au 16 mai 2017 entre l'agent immobilier et Mme J..., candidat
acquéreur.
Les pourparlers menés sans mandat écrit par l'agent immobilier ne sont pas
opposables aux époux K... G.... Par suite, Mme J..., ainsi que les sociétés
Idaem et Daem partners doivent être déboutées de leurs demandes formées contre
ces derniers fondées sur une rupture abusive de pourparlers ou sur toute autre
faute qui aurait été commise au cours de ces pourparlers qui n'engagent pas les
époux K... G....
Bien qu'exerçant la profession d'avocat, Mme J..., dont il n'est pas démontré
qu'elle soit une professionnelle de la vente immobilière, a pu croire que la
société [...] , agent immobilier réputé dans la capitale, qui lui avait fait
visiter le bien, agissait en vertu d'un mandat écrit des vendeurs au cours
d'une négociation qui a duré plusieurs mois et durant laquelle cet
intermédiaire lui relatait les échanges nombreux qu'il a effectivement eu avec
les époux K... G... relatifs aux conditions de la vente de leur hôtel
particulier. Dès lors, les époux K... G..., qui ne démontrent pas l'intention
malicieuse de Mme J... et de la société Idaem dans l'exercice de leur droit,
doivent être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure
abusive formées contre elles.
S'agissant des demandes des époux K... G..., à l'encontre de l'agent
immobilier, ce dernier a commis une faute en poursuivant l'exécution de son
contrat d'entremise sans nouveau mandat écrit. Si la violation des obligations
formelles pesant sur l'agent immobilier est patente, cependant, la gravité de
cette faute et de ses conséquences à l'égard des époux K... G... doit être
tempérée par le fait, d'abord, que les négociations menées par l'agent
immobilier ne sont pas opposables à ces derniers, ensuite, par la considération
que les époux K... G... ont poursuivi leurs échanges avec l'agent immobilier
postérieurement à l'expiration du mandat au 10 février 2017, indiquant même à
l'agent immobilier dans le courriel du 3 mai 2017 : "Please feel free to
visit", puis lui demandant le même jour dans un autre courrier : "Qui
visite la maison vendredi, votre cliente ?". Le préjudice subi par époux
K... G... consiste dans les tracas des procédures engagées contre eux par le
candidat acquéreur. Ce préjudice moral a justement été évalué par le Tribunal
qui a exactement décidé que la demande au titre des frais non compris dans les
dépens exposés dans une instance antérieure devaient faire l'objet d'une
demande en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société
[...] à verser aux époux K... G... la somme globale de 5 000 € au titre de leur
préjudice moral. Les époux K... G... seront déboutés du surplus de leurs
demandes.
S'agissant des demandes de Mme J..., ainsi que des sociétés Idaem et Daem
partners à l'encontre de l'agent immobilier, bien que le mandat d'intermédiaire
soit nul à l'égard des mandants, la responsabilité délictuelle de la société
[...] est susceptible d'être engagée à l'égard des acquéreurs. Or, les fautes
commises par l'agent immobilier envers le candidat acquéreur sont les suivantes
:
- avoir engagé une
négociation avec Mme J... sans avoir de mandat pour le faire, de sorte que les
vendeurs n'étaient pas liés par ces pourparlers,
- ne pas avoir transmis
à Mme J... la demande des vendeurs de disposer d'une offre écrite émanant de
l'acquéreur (courriel du 16 mai 2017 : "pourriez-vous confirmer l'offre
par écrit") ni celle du notaire des vendeurs (courriel du 24 mai 2017 : "Pourriez-vous
me communiquer la copie de l'offre acceptée par ces derniers (les vendeurs)
relativement à l'immeuble ainsi que votre mandat de vente".
A cet égard, s'agissant de la vente au prix de 3 900 000 € d'un hôtel
particulier situé [...] dans le [...], il n'apparaît pas excessif que les
vendeurs, relayés par leur notaire, aient exigé une offre écrite signée de
l'acquéreur avant de l'accepter sous la même forme. Cette formalité n'ayant pas
été remplie, les vendeurs ont estimé ne pas être formellement saisi d'une offre
d'achat.
Les fautes de l'agent immobilier ont fait échouer les pourparlers.
Les appelantes font grief à l'agent immobilier d'avoir dû vendre leur locaux
"dans la plus grande précipitation et en relocalisant les équipes du
cabinet en espace de co-working jusqu'au 30 septembre 2017, les vendeurs ayant
précisé qu'ils souhaitaient conserver la maison jusqu'à cette date".
Mais, il ressort du courriel du 4 avril 2017 de Mme J... à l'agent immobilier
que la décision de vendre les locaux professionnels a été prise dès le 3 avril
2017, l'avant-contrat ayant été signé le 27 avril suivant. A ces dates les
pourparlers en étaient aux préliminaires, de sorte que les préjudices invoqués
par les appelantes n'ont pas de lien de causalité avec les fautes précitées de
l'agent immobilier.
En outre, en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice indemnisable
en cas de rupture fautive de pourparlers n'est que des frais occasionnés par la
négociation et les études préalables nécessaires à celle-ci. A cet égard, la demande
à hauteur de la somme de 5 000 € au titre des dépenses injustifiées exposées
par Mme J... n'est étayée par aucune preuve.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme
J..., ainsi que les sociétés Idaem et Daem partners de leurs demandes de
dommages-intérêts formées contre la société [...] .
Usant de son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal a mis les dépens de première
instance à la charge exclusive des demanderesses initiales qui succombaient en
toutes leurs demandes, de sorte que c'est à bon droit qu'il a rejeté la demande
des époux K... G... fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile formée
contre l'agent immobilier. Ce dernier n'étant pas condamné aux dépens, le
Tribunal pouvait faire application de ce même texte au profit de cette partie.
Par suite, les sociétés
Idaem et Daem partners, Mme J..., ainsi que les époux K... G... seront déboutés
de leurs demandes d'infirmation du jugement au titre des dépens de première
instance et de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
S'agissant des dépens d'appel, les sociétés Idaem et Daem partners, ainsi que
Mme J..., appelantes principales, qui succombent en leur appel, seront
condamnées aux dépens, ce qui emporte le rejet de leur demande fondée sur
l'article 700 du Code de procédure civile.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes fondées sur
l'article 700 du Code de procédure civile de la société [...] et des époux K...
G....
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute Mme W... J...,
la SCI Idaem et la SEARL Daem partners de leurs demandes formées contre Mme
A... K... et son époux, M. E... G... ;
Déboute Mme A... K... et son époux, M. E... G..., de leurs demandes de dommages-intérêts
pour procédure abusive formées contre Mme W... J... et la SCI Idaem ;
Déboute Mme A... K... et son époux, M. E... G..., du surplus de leurs demandes
;
Rejette les autres demandes ;
Condamne in solidum Mme W... J..., la SCI Idaem et la SEARL Daem partners aux
dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699
du Code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
Cet arrêt est consultable sur le site Légifrance
inscrit au répertoire général :
RG 19/064567.